Pétition Soutien aux IFRE d’Afrique
Pour:MAEID
Soutien aux IFRE d’Afrique
Le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international et le CNRS sont sur le point de réformer le réseau des instituts français de recherche à l’étranger (IFRE). Cette réforme va très largement affecter le fonctionnement de plusieurs des IFRE en Afrique : le CFEE en Ethiopie, l’IFRA Nigeria, l’antenne du CEDEJ à Khartoum, l’IFRA Nairobi au Kenya. Le Ministère a effectivement prévu de supprimer deux IFRE sur quatre (l’IFRA Nigeria et le CFEE d’Addis Abeba qui deviendraient des antennes de l’IFRA de Nairobi) de transformer les postes de directeurs d‘Addis et d’Ibadan en pensionnaires scientifiques, de supprimer le poste de Secrétaire scientifique du CFEE et de supprimer l’antenne du CEDEJ à Khartoum et son poste de coordonnateur.
La communauté scientifique française travaillant sur et en Ethiopie a adressé récemment au Ministère une lettre afin de l’alerter sur les risques d’une telle refonte budgétaire et scientifique. Le Conseil scientifique du Pôle Afrique a également manifesté de vives inquiétudes et une incompréhension face aux objectifs d'une réforme peu lisible. Le MAEE a pris acte de l’expression de ces mécontentements mais semble déterminé à poursuivre son projet. Cette nouvelle pétition souhaite relayer ces initiatives en insistant sur les menaces concrètes qui pèsent sur le fonctionnement des IFRE d’Afrique. Cette réforme en apparence cosmétique menace de fait le fonctionnement de tous les instituts concernés et risque d’avoir un cout scientifique et politique disproportionné par rapport aux gains économiques espérés.
La force des IFRE est leur proximité avec les communautés scientifiques de chaque pays, et leur emprise avec les problématiques et enjeux spécifiques à chaque pays. En centralisant les responsabilités scientifiques et financières à Nairobi, la réforme menace l’autonomie de l’IFRA Nigeria et du CFEE risquant à court terme de faire perdre les logiques nationales et régionales au cœur de leur mandat scientifique. Le directeur à Nairobi sera porteur du projet et du bilan de l’établissement et risque sans réel contrepouvoir et sans expertise avérée sur ces pays de ne pas être en mesure d’arbitrer des questions cruciales.
Les IFRE en servant d’interface entre la recherche française et les mondes universitaires étrangers ont permis la constitution, le renouvellement et la continuité de l’expertise scientifique sur ces pays. Le dispositif diplomatique français dans cette partie de l’Afrique non francophone est cependant fragile, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a d’ailleurs récemment appelé à une refonte de la politique de la France en direction de l’Afrique anglophone et des pays émergents d’Afrique. Il y a de fait une incohérence à supprimer ou à dégrader ce dispositif au moment où toutes les grandes puissances se tournent massivement vers cette région notamment vers ses acteurs incontournables que sont l’Ethiopie, le Nigéria, et le Soudan.
Les scientifiques français ont depuis plus de trente ans tissé des réseaux importants avec les communautés scientifiques locales. Les IFRE ont joué un rôle central dans cette structuration. Des dizaines de chercheurs de ces pays sont régulièrement accueillis dans les universités françaises, une centaine de chercheurs et enseignants chercheurs français travaillent aujourd’hui sur ces pays, de nombreux jeunes chercheurs ont été formés à la recherche via ces instituts, de nombreuses publications dans les grandes revues internationales ont vu le jour et une cinquantaine de thèses de doctorat en sciences sociales et humaines ont été soutenues dans une dizaine d’universités françaises depuis une dizaine d’années. Or la réforme en ne visant qu’une continuité administrative, au détriment de la continuité scientifique, va fragiliser ces relations. Les difficultés de gestion budgétaire et comptable des instituts vont se multiplier puisque toute décision devra désormais être signée à Nairobi. Les rares expériences de fonctionnement d’antenne en Afrique ont pourtant montré leurs limites : l’IFRA Ibadan a obtenu son autonomie financière un an seulement après sa création en 1992 sans laquelle elle n’aurait pas pu fonctionner et l’antenne de Khartoum a récemment été rattachée administrativement à la SFDAS au Soudan en raison des trop grandes difficultés à la faire fonctionner lorsqu’elle dépendait intégralement du CEDEJ au Caire. Au vu de ces expériences comment imaginer que la transformation des IFRE en antennes va leur permettre de mieux fonctionner ? La perte de l’autonomie financière risque de faire perdre par ailleurs des financements extérieurs qui sont pourtant devenus centraux dans le fonctionnement de tous les IFRE en Afrique depuis plusieurs années.
Nous ne pouvons pas laisser des telles mesures, au nom d’économies budgétaires certes nécessaires, mais à l’impact disproportionné sur ces petites unités, mettre à mal tant d’investissements et d’acquis. Ce n’est pas le moment de se retirer de ces pays, mais bien au contraire, de profiter de ces bases pour approfondir nos relations et connaissances.
Le conseil scientifique du GIS études africaines
Les signataires
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